J’Y CROIS!
Croquis- copie faite à mes 16 ans
LE PEINTRE HERNÁN GAZMURI, MON MAÎTRE DANS L’ATELIER D’ANDRÉ LHOTE A PARIS 1928
J’Y CROIS !
George Steiner, est un maître à penser plus pertinent que les autres qui jadis nous guidaient pour approfondir nos réflexions ; j’ai toujours dit qu’il est venu faire une ligne de continuation avec une nouvelle thèse sur l’origine de la création, tout particulièrement avec son œuvre Réelles Présences, œuvre clé de toute sa pensée, me semble-t-il, et qui complète les thèses d’André Malraux, quand il nomme les problèmes et les dissèque un à un pour établir enfin sa théorie sur la création esthétique lueur donnant une empreinte non psychologique, mais métaphysique et religieuse.
Tout en laissant le lecteur responsable, mot qu’il a mis toujours doté d’une valeur suprême pour que nous assumions notre devoir face à la création esthétique quelle qu’elle soit, tout ceci, toujours en professeur, pour nous aider à clarifier les problèmes de la foi dans la création esthétique.
À quoi se confronte aujourd’hui un véritable artiste ?
Je me place dans cette perspective tragique.
Et, je vais essayer de développer un problème insoluble.
Pour débuter dans un terrain d’incompréhension terrible, je commencerai cet article avec un souvenir qui me confiât tout le temps le peintre Hernán Gazmuri, à ses 28 ans, il arriva à Paris avec les pauvres économies de son travail parce qu’il s’est rendu compte, tout seul, que le Chili ne le donnait RIEN en matière de formation picturale, et qu’il perdait sa jeunesse et son temps, il avait su de l’existence de l’atelier d’André Lhote à Paris. C’est ainsi qu’il épargna de l’argent et qu’il fait des économies tous les mois de son travail pour faire un « voyage hors série », comme il le qualifiait.
Arrivé à Paris, il s’installe dans une chambre avenue du Maine, assiste aux cours d’André Lhote et il qualifie sa formation ainsi : « j’ai acquis la révélation de la peinture moderne française ».
Mon père me réveillait à ce qu’il me donna : « prend conscience de que ce que je te donne comme formation picturale, tu l’obtiens facilement chez toi, bien gardée, commodément, à tes seize ans, ce que j’ai dû obtenir à mes 28 ans au risque de ma vie à Paris et avec des sacrifices innommables ».
J’ai su prendre dès mes 16 ans cette grave responsabilité, et maintenant à mes 70 , à la fin de ma vie, je le vis encore plus tragiquement, car en vivant dans la misère au cœur du pays qui devrait continuer à être le noyau de la peinture, s’est converti en un immense sac-poubelle de la laideur, du néant, et de la prostitution de l’art.
Tragique est ma vie d’artiste peintre en France.
Je donne comme fermé toute tentative pour réussir, mais ce n’est pas pour autant que je ne poursuive à contre-courant mon devoir d’artiste peintre ; je ne cesserai jamais de peindre ni d’écrire, car la nature m’a privilégiée de deux dons que je ne cesse de cultiver avec un travail ardu de tous les instants.
Le peintre Hernán Gazmuri obtint ses documents pour rester à Paris, entre autres documents précieux, (je les ai tous offerts en donation au Musée d’Art moderne de Moscou, je ne voulais que moi, déjà vieille, sans descendance, ses précieux documents ne se perdent dans le néant français, j’ai n’ai plus rien, le Chili nous a tout spolié à Maman et à moi, et pour la France, je suis invisible, je n’existe pas).
Hernán Gazmuri obtint une carte pour se rendre travailler au Louvre.
Quand il présentait ses documents à l’administration, les gens, les fonctionnaires de jadis, lui disaient avec admiration : »Ah, vous êtes artiste–peintre » !
Et, les portes s’ouvraient, il était pauvre, mais entouré d’admiration et de reconnaissance. Alors, je me suis formée en croyant que la France continuait à être un pays de respect et digne qui protégeait un artiste peintre, car à son époque, il ne pouvait pas être « artiste peintre » que celui qui avait poursuivi une formation chez un peintre, dans un atelier, mais au XX s, les choses évoluèrent pour le pire, une avalanche de faux peintres est apparue, sans théories, sans formation et sans maîtres, n’importe qui se dit artiste peintre et qui s’inscrit au sein de l’administration et à ses appuis pour vendre, obtient le « titre », et il sera considéré artiste-peintre.
Face à une avalanche de peintres, les gens ne peuvent avoir une capacité de jugement, à ce manque de jugement vient aggraver la question l’école de l’ignorance qui remplie de fonctionnaires avec l’idéologie de surveiller « et punir » aide fort pour que le trouble de l’ignorance s’installe, la France a disparu comme la boussole qu’indiquât aux générations sur le beau, le vrai et le juste.
Je me suis trouvée trompée face à la table rase, à la destruction, à l’absence de maîtres et de théories, je ne trouvais que des ignorants qui allaient de l’avant et très satisfaits d’eux-mêmes et munis d’ignorance en faisant du sérieux et tragique de la création « un passe-temps », voici les problèmes auxquels un véritable artiste se confronte quand il est muni du contraire de ce que je viens de signaler comme les vices suprêmes du manque de savoir dans ce qui doit être la création artistique.
Ne pas trouver d’écho et de nouveaux maîtres pour partager, serait un problème facile à surmonter, parce que je suis déjà formée, c’est très triste, mais supportable, ce qui devient insoutenable est mon impossibilité d’être capable de faire ma valise et quitter le terrain sur le champ, ipso facto, mais je suis coupée de tout projet, parce que vieille.
Les gens sont devenus imbéciles à lier.
Face à quiconque à 70 ans, ils devraient se taire, mais l’influence néfaste des vieilles de 70 ans du vedettariat a fait que les gens croient qu’on est « encore jeune » à cet âge-là.
La vieillesse n’est pas d’avoir des rides, ou des cheveux blancs, la vieillesse s’installe quand la chronologie nous dit que nous n’avons pas « le droit » de faire des projets. Point à la ligne.
Quoique, avec beaucoup d’argent, je pourrais partir très loin. Et, je le ferais tout de suite sans le moindre doute.
Sans argent, je suis menottée et soumise à supporter cet enfer.
C’est assommant qu’une personne avec des dons et qui a travaillé toute sa vie se trouve dans la misère. C’est assommant que la misère m’oblige à être à la merci des « commissions » qui délibèrent sur ma vie et mon sort. Les critères de jugement pour que je puisse ou non accéder à une habitation à Paris devraient être le sujet d’étude et de jugement des experts psychiatres, spécialité de plus lâches de tout le corps médical.
À présent, ils sont en train de conseiller les Caisses de retraite, pour les enseigner, (c’est à mourir de rire!) qu’ils doivent prolonger la vie des vieux retraités en leur faisant des « stages de peinture » !, pour qu’ils développent un intérêt face à la créativité des autres, les pauvres psychiatres ont étudié 12 années pour rester aveugles face aux retraités qui sont eux-mêmes « artistes-peintre » et qui devraient être traités en priorité avec le plus grand respect du monde. J’ai reçu des mails pour m’inciter à m’inscrire aux stages d’enseignement à la sensibilité !, j’aurais voulu leur répondre une leçon exemplaire, mais elles ont bloqué le droit de réponse avec un mail qui dit NOREPLY ; elles se sont sauvées de ma réponse. Mais, la voici mesdames.
Mais non, que peut-on attendre des femmes fonctionnaires ignorantes elles-mêmes, on me passe à la trappe, en m’offrant un studio de 16 m².
C’est à les fusiller comme dit Daniel-Henry Khanweiler.
Rien d’autre à dire.
Découragement ?s font tout pour me décourager. Pour que je cesse de croire à l’Art.
J’y crois.
Fermement et sans le moindre doute sur ce que je fais.
Isolée, vivant en ermite, je n’ai besoin de personne, je n’ai besoin que d’argent, c’est mon seul leitmotiv, argent pour acheter le matériel pour peindre qui coûte une fortune, autre ignorance terrible des gens, ils croient que la peinture se fait comme disait Lhote « comme chantent les oiseaux ».
Qu’il faille avoir obtenu une formation sérieuse est une chose, c’est une nécessité absolue, ensuite il faut beaucoup d’argent pour peindre.
Chaque toile d’un format moyen 92 x 78 a une valeur d’environ 200 € de qualité moyenne, et les tubes de peinture d’une valeur minime de 20 € jusqu’à 50 € selon les pigments. Et, compte tenu qu’il ne s’agit pas de peinture de bâtiment et qu’on ne peint pas monochrome… La banqueroute est devant nous.
Mais j’y crois, que ne leur en déplaise.
Je poursuis contre l’adversité.
J’y crois. Je ferais mieux !
Comme le préconise George Steiner.
L’artiste, démiurge, se confronte face à la création, bien muni de toutes ses armes pour faire face à un défi. « Dieu a créé », et l’artiste en démiurge dit : je ferai mieux…
La tâche de tout artiste est d’organiser, de récréer, de composer, de faire des choix et c’est la clé de toute création.
Le mien est journalier, une activité qui ne cesse ni de jour ni de nuit.
J’y crois et je ne doute jamais.
Soyez en certains que chaque jour, c’est le même programme.
Que vous en déplaise, vous ne me verrez jamais faillir.
C’est la mort, la seule qui obtiendra ce qu’elles attendent tant. Pour le moment… J’y crois.
Carmen Florence Gazmuri Cherniak
Write a comment
You need to login to post comments!